Jamais Kim n’aurait pu imaginer que partir pouvait être aussi dur, surtout quand la destination était un lieu qui vous est totalement inconnu. Tous les souvenirs qu’elle avait, ils étaient liés à cette endroit, elle y avait vécu tellement longtemps qu’elle ne se souvenait presque que de cela. Son plus grand rêve, en se réalisant, lui faisait perdre tous ses repères. Elle voulait réellement partir, c’était une opportunité qui ne se représenterait pas deux fois, mais elle avait peur de l’inconnu, peur que ce soit trop différent, moins bien. Ses parents n’y avaient pas été par quatre chemins, pensant que de toute manière, elle serait heureuse, mais ce n’était pas si simple. Elle voulait vraiment aller vivre à Huntington mais à 16 ans, il était trop tard, elle avait des attaches ici, à Santa Barbara. Tout ça pourquoi ? Sa « carrière ».

C’était un jour banal, elle rentrait à la maison, avait traîné un peu, pour passer plus de temps avec ses amis et en particulier, avec lui, Jonathan. Elle avait poussé la porte en douceur, il n’y avait aucun bruit, on n’entendait même pas sa petite sœur piaillait dans le salon, rien. C’était étrange, surtout pour un vendredi soir. En général, l’agitation était grande en fin de semaine, son père invitait souvent des amis, de la famille… Mais aujourd’hui, aucun bruit. Avant de monter poser ses affaires dans sa chambre, elle s’avança vers la cuisine, espérant trouver sa mère aux fourneaux. Avant d’arriver, sa sœur, ses parents, et quelques uns de leurs amis les plus proches, ceux qui s’apparentaient le plus à leur famille, surgirent du salon en criant tous en cœur : « Bienvenue Kim ! » Sa surprise fut grande, elle se demandait ce qu’il pouvait y avoir de s’y important, ce n’était pas son anniversaire, pas sa fête et encore moins noël. Ses interrogations devaient s’être dessinés rapidement sur son visage et sa mère s’approcha d’elle pour la serrer dans ses bras. Elle se laissa faire, stupéfaite mais l’information lui fut vite murmurer à l’oreille. « On part, on a acheté une maison à Huntington Beach, tu vas enfin pouvoir surfer dans une meilleure école. » Dans la famille, on ne réfléchissait pas beaucoup, tous étaient très impulsifs, suivants leur envies au moment où ils les avaient. C’est peut être pour cela qu’ils s’attendaient tous à ce qu’elle saute de joie, qu’elle crie, qu’elle danse, qu’elle les remercie au moins. Mais ce n’est aucune de ses idées qui lui traversèrent la tête ce jour-là. Elle les fixa un moment, la bouche ouverte, choquée qu’ils ne lui aient pas parlé du fait qu’ils s’étaient décidé à partir, elle n’était pas prête pour cela. La première pensée claire qu’elle réussie à avoir fut pour Jonathan. S’ils partaient, elle devrait le quitter, elle ne pouvait pas le quitter sans avoir réussi à lui dire ce qu’elle ressentait vraiment, en sachant qu’il ne saurait jamais qu’elle l’avait aimé. Elle se rendit vite compte qu’elle avait trop attendu, qu’elle avait perdu son temps et elle le regrettait sincèrement. Sans avoir dit un mot, elle fuit, encore une fois. Elle était lâche, faible, incapable d’affronter la moindre situation où ses sentiments seraient exposés. La jeune fille monta les escaliers quatre à quatre, les larmes lui montaient aux yeux.

L’effet qu’elle produisit sur les personnes présentes fut telle qu’ils mirent un temps fou à réagir. C’est sa mère qui, la première, la rejoignit, elle ne voulait pas la voir, elle ne voulait pas la laisser entrer. Son père tenta de la convaincre à son tour, il s’avoua bien vite que c’était une cause perdue, il avait dit se sentir impuissant, ce qui n’arrivait pas souvent, il adorait pouvoir commander. A la maison, c’était pareil, il n’était pas le moins du monde violent, mais il savait se faire respecter tout en restant sympathique avec ses proches. Kimberly l’admirait beaucoup, il était fort, déterminé, il était tout ce qu’elle voulait devenir en grandissant. Et pourtant, elle avait déjà 16 ans et elle ne lui arrivait même pas à la cheville. Elle passa toute la nuit, seule, à réfléchir en silence, elle ne dormit pas beaucoup et à l’aube, elle prit sa planche, une combinaison et elle marcha jusqu’à la plage. Ce n’était qu’à vingt minutes de chez elle, et elle était motivée pour le faire. Elle marcha, encore et encore et quand elle arriva, elle comprit qu’elle aussi pouvait faire preuve de détermination, si elle le voulait, elle pouvait faire des choses que pourtant elle se croyait incapable de réaliser. Là, sur la plage, affrontant le vent froid, seule, elle comprit que comme ses parents, elle était capable d’improviser, il suffisait de ne pas penser aux conséquences, de se dire qu’après tout, elle partirait bientôt et qu’elle n’avait plus rien à perdre. Elle savait où son ami, Jonathan, vivait. Ce n’était pas très loin et de toute façon, même si ça l’avait été, elle l’aurait fait, parce que sans cela, elle aurait toujours des remords.

On disait d’elle qu’elle était têtue, quand elle s’était mis une idée en tête, elle ne lâchait plus et là, elle voulait lui parler. Elle ne pensait même plus à sa tenue, à sa coiffure, plus à rien. Son pas était rapide, mais elle respirait calmement, elle ne sait pas combien de temps elle mit mais quand elle arriva, c’est comme si elle était vidée de toute ses émotions. Elle ne pensait plus à rien, elle savait juste pourquoi elle était venue. Elle s’avançait tranquillement dans l’allée, la tête haute et appuya un coup, simplement sur la sonnette. Il était trop tard pour faire demi tour mais cette possibilité ne l’effleura même pas, elle n’avait pas non plus réfléchi à qui pourrait lui ouvrir, elle s’en fichait. Quelques secondes plus tard, elle tomba nez à nez avec un jeune homme encore endormi, la voir ici sembla l’intrigué, il chercha sans doute s’il l’avait invité, ce n’était bien sur pas le cas et avant qu’il ait eu le temps d’ouvrir la bouche, elle se lança : « Jonathan, je pars, je déménage à Huntington. Et ne dis pas que c’est la chance de ma vie, c’est pas pour entendre ça que je suis venue te voir aussi tôt. Avant de m’en aller, il fallait que je te dise quelque chose, je m’en serais voulu énormément si je ne l’avais pas fait… Non, écoute moi, jusqu’à la fin. Je t’aime, depuis presque toujours, je t’aime plus que tout. Tu es la seule personne qui aurait pu me pousser à rester, à laisser tomber mon futur, ma carrière, le seul pour qui j’aurais pu abandonner tout ça. Je sais, ce serait stupide de le faire, c’est pour ça que je ne vais pas dire non à mes parents, ils ont déjà acheté les maisons en plus… Mais je voulais que tu sois le premier à l’apprendre et je voulais aussi que tu saches que jamais je ne pourrais t’oublier, tu vas me manquer. » Elle avait dit tout cela, d’un coup, elle ne se souvenait pas avoir jamais autant parlé de sa vie, elle reprit enfin son souffle plongea son regard dans celui du jeune homme en face d’elle. Il n’avait pas semblé réagir, avant qu’il ait eu le temps de le faire, elle se retourna et commença à partir. C’était peut être encore une fuite, mais après tout, elle avait déjà suffisamment fait preuve de courage pour la journée, surement pour des années aussi, mais si c’était à recommencer, elle n’hésiterait pas une seule seconde.

Flash Back - Des premières fois, il en faut pour tout. Le premier cri, le premier pas, la premier chagrin d’amour… Impossible de tous les compter et même vieux, on continue à en vivre. Celle-ci changea réellement la vie de Kimberly. Cinq heures de vols et un dépaysement total, voilà le premier souvenir qu’elle a d’Hawaï. L’arrivée à l’aéroport d’Honolulu se déroula comme un rêve, tout y était : le soleil éblouissant, les colliers hawaïens… Cette image avait la teinte d’un rêve, la situation faisait tellement cliché qu’elle avait l’impression d’être dans un film. Elle avait laissé ses jambes la guider, ses mains attraper les colliers de fleurs qu’on lui tendait, sa bouche prononcer des merci à tous ceux qui lui souhaitait la bienvenue. Elle avait fonctionnait ainsi, comme un automate jusqu’à son arrivée à l’hôtel, éblouie par tout ce qu’elle voyait.

Ce n’est que le soir, quand elle put enfin s’allonger sur son lit, dans le noir qu’elle reprit réellement ses esprits. Alors, elle repensa à ce qui l’avait amené ici, le surf. Elle avait désormais presque 19 ans, l’âge idéal pour devenir pro. Elle avait beaucoup travaillé ses dernières années et son séjour ici pour participer à une compétition amateur était une bonne opportunité. Elle avait déjà remporté quelques coupes juniors à Huntington, mais rien de comparable à ce qu’elle allait faire ici. Etant donné que c’était la période des championnats de la triple couronne, elle pourrait y assister pendant plusieurs jours, le rêve de tous les surfeurs dans le monde, elle espérait aussi y participer dans quelques années. Les nuits étaient courtes, entre les soirées passées à danser le Hula, découvrir les spécialités de l’île, et les entraînements à l’aube, le temps de sommeil de tout les jeunes partis avec elle était réduit. Leur coach et toute l’équipe du club qui les avait accompagnés avaient prévu des journées bien remplies afin qu’ils voient le maximum de choses au cours de leur voyage. Les journées étaient rythmés de manière très précises, debout à sept heure, petit-déjeuner, surf, douche, détente avec parfois un massage traditionnel hawaïen, le Lomilomi, déjeuner, visite d’un site touristiques ou compétition, dîner, soirée et ils recommençaient depuis le début. Elle n’avait pas le temps de penser à ce qu’il lui arrivait, elle se contentait de le vivre et d’en profiter le plus possible.

L’avant dernier jour de leur séjour marqué la fin du championnat auquel elle avait participé. Jamais en arrivant elle n’aurait pensé qu’elle repartirait à Huntington Beach avec une coupe, mais au moment où ils appelèrent le vainqueur de l’épreuve et qu’elle entendit son nom, elle comprit qu’en réalité, elle avait toujours gardé l’espoir au fond d’elle que cela arrive. Elle ne savait pas ce qu’elle devait faire ou dire, tout les regards s’étaient désormais tourné vers elle, elle se leva doucement en silence et s’approcha de l’estrade montée pour l’occasion. La personne qui avait annoncé les résultats la fit monter sur une sorte de podium, elle se sentait haute, haut au dessus des autres. Elle regarda un moment la foule essayant de sourire de manière naturelle. Quand ils eurent terminés de faire monter les deuxième et troisième personnes ayant reçu une récompense, ils lui tendirent une coupe, grande, attachée à un socle en pierre, quelque chose qui faisait penser à un type de marbre. Elle ne savait pas qu’elle genre de roches il y avait sur l’île, mais peut être qu’ils n’avaient pas fabriqué les coupes ici après tout. Comme elle avait vus de nombreux champions le faire, elle souleva son trophée pour l’exposer au regard de son public puis elle descendit et salua les autres concurrents présents sur la scène. – Fin du Flash Back.

Aujourd’hui, c’était enfin le grand jour. Jamais elle n’avait été aussi angoissée par une compétition, repenser aux meilleurs moments qu’elle avait vécus grâce au surf lui permettait généralement de se détendre. Elle se disait alors que quoi qu’il arrive, qu’elle perde ou qu’elle gagne, elle était heureuse d’avoir vécu de tels moments. Son réveil avait sonné, la sauvant de la fin tragique de son cauchemar, toujours le même depuis quelques temps. Elle marchait sur la plage, le soleil brillait, mais le sable était froid, elle marchait longtemps, sans entendre le bruit des vagues ni sentir l’odeur bien particulière de l’eau de mer, elle tenait une planche sous son bras mais à aucun moment elle ne tournait la tête vers l’océan, elle marchait toujours tout droit, sans regarder où elle posait les pieds et soudain, elle tombait, une chute sans fin, ou presque. Au bout d’un temps, elle apercevait une plage sous elle, mais autour, tout était noir, comme si elle était dans un puits qui descendait jusqu’à une grotte souterraine. Elle voyait une sorte d’ondulation sur le sable, comme si la différence de chaleur entre le sol et l’air était tellement différente que cela créait un choc thermique. Kim savait que c’était impossible, et pourtant, en se rapprochant, elle recommençait à entendre les vagues s’échouait sur la plage, à sentir la mer, le souffle d’un vent tropical… Elle n’avait jamais été plus loin, la sensation de chute la réveillait toujours en sursaut.

Cette fois-ci, c’était le réveil qui l’avait tiré de là, bien avant la fin. Ce n’était pas plus mal, il fallait qu’elle se prépare, aujourd’hui c’était le premier jour des trois couronnes. C’était la première fois qu’elle y participait, mais elle avait l’habitude de la compétition, elle connaissait l’ambiance aussi de ces journées pour y avoir de nombreuses fois assisté. En plus, elle s’entraînait souvent sur cette plage là, maintenant qu’elle s’était installée à Hawaï. Ses parents lui avaient manqué dans un premier temps, mais elle s’était vite intégrée, elle n’était même pas considérée comme une Kono, elle avait pu entrer dans le clan Kamainamoana. Elle s’était beaucoup attachée à cette terre et elle voulait la protéger des étrangers, ce qui est contradictoire étant donné qu’elle-même n’est pas originaire de l’île. C’est ici qu’elle se sentait chez elle désormais et pour rien au monde elle ne laisserait quelqu’un la détruire. Le reste du temps, quand elle ne s’entraînait pas ou qu’elle ne faisait rien pour préserver les lieux, elle donnait des cours de surf à des débutants, quelques fois à des touristes, mais elle n’arrivait pas à se montrer chaleureuse avec eux, ils polluaient son monde. Pour le moment, elle ne pensait plus qu’à une chose, la compétition, elle n’eut aucun mal à se lever à l’aube.